Girls, une comète éphémère qui nous livre sa pop d’entre deux-mondes
Il y a presque un an prenait fin la (trop) courte carrière du groupe Girls. Sous ce nom se cache une pépite musicale pleine de bonheur vacillant écrite par Christopher Owens et produite par Chet « JR » White. Produite par le groupe, cette pop californienne à l’esthétique Do it yourself, capture des paysages sonores tentaculaires, offrant une pop indépendante portée par une voix de crooner brisé. Les chansons sont douces, familières, enveloppantes. C’est la musique de quelqu’un de profondément hors normes, mélancolique mais plein de joie délavée.
Hellhole Ratrace, le premier single du groupe, commence par les mots : « I’m sick and tired of the way that I feel », à fleur de peau, il résume en 5 minutes 30 la complexité de la personnalité d’Owens. Les origines du groupe sont romanesques, tristes et sordides. C’est le genre d’histoire qui peut submerger un groupe au point qu’on n’entende plus vraiment la musique. Pourtant l’espoir n’est jamais loin. Il faut saluer la qualité des arrangements musicaux de Girls, pas besoin de lire l’histoire de Chris Owens pour vous en rendre compte : c’est une œuvre vertigineuse et puissante, instinctivement, on sait que quelque chose de profond se passe. Principalement grâce à la voix si évocatrice d’Owens, une sorte de hoquet qui fait penser aux tristes génies de la pop : Elvis Costello, Paul McCartney ou Morrissey. Vulnérable, blessée, dramatique mais aussi chaleureuse. La musique semble se construire naturellement autour des rêveries de Chris, pure, honnête. Il ne gémit pas, il ne sanglote pas, ses chansons sont d’une simplicité désarmante, elle parlent de rupture, elles sont classiques, elles parlent de ce petit garçon qui a écouté de vieilles radios toute sa vie. Il s’en amuse mais il y a toujours un râlement blessé au fond de sa gorge, un son qui évoque des mondes de souffrance derrière les guitares légères et désinvoltes.
Ce qui fascine c’est cette capacité à manier les genres de manière efficace et créative : pop ensoleillée Californienne, ballades folk au coin du feu, new wave nerveuse…gospel, une réussite sauvage de mélodies baignées de soleil, de surf hawaïen, de shoegaze, de country déglinguée et de rock psyché. Depuis ses débuts, le groupe à décidé de ne se fixer aucune limite et ça s’entend. Sous l’apparente simplicité des titres se cachent une abondance de trouvailles et de couleurs musicales insoupçonnées. Girls parvient délicatement à couvrir des champs esthétiques nombreux et ça en deux albums seulement. Légèrement désordonné et extrêmement simple, les morceaux sont pourtant complexes, jamais faciles. Chacun des morceaux fonctionne à sa manière, tout est dans des détails qu’on ne remarque qu’au bout de la quinzième écoute, des détails subtiles et intuitifs qui font toute la richesse de la musique de Girls, cette musique qui vous brise le cœur et vous empli de joie à la fois.
La musique de Girls est trop belle pour être ignorée. Elle a cette innocence si difficile à capturer, un entre deux-mondes mélancoliques et enfantins. Du parcours d’Owens se dégage une sincérité désarmante. Si la musique de Girls est si obsédante c’est parce qu’elle n’est pas uniquement facile à écouter, elle est bien plus profonde que ce qu’elle paraît, et pour toutes ces raisons, on regrette amèrement que Girls ait mis fin à cette toute jeune carrière. Une comète éphémère sous acide qui ne se laissera pas oublier.
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